Un projet d'envergure qui l'occupera pendant plus de vingt ans. Écrire une suite de romans sur la vie de différents personnages issus d'une même famille. Et c'est là que Zola fait faire un grand pas à la littérature. Il souhaite montrer par ses romans toute une époque, laisser une trace de ce que fut précisément son temps.
Mais c'est là aussi qu'il commence à se mettre à dos quelques lecteurs. La plupart des gens lisent pour se dépeindre, se vider la tête, échapper au quotidien. Le problème c'est qu'à la fin du XIXe siècle, la mode est au réalisme. Les auteurs puisent leur inspiration dans le quotidien et dans la vie des gens normaux.
C'est pas très exotique. Zola va encore plus loin. Trouvant le réalisme insuffisant, il va exacerber et saturer les codes de ce mouvement littéraire pour en fonder un nouveau, le naturalisme. J'ai dit que j'en parlerais, j'en parle. Le principal défaut du naturalisme, c'est que Zola en est plus ou moins le seul représentant mémorable.
Il a fait un mouvement tout seul. Le naturalisme en littérature va particulièrement trouver son inspiration dans la vie des classes sociales défavorisées de l'ère industrielle. C'est encore pas cette fois qu'on verra des chevaliers sauver des princesses.
Il va mener une enquête approfondie en passant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, au contact des populations dont il fera le sujet de ses romans, dans les usines, chez les ouvriers, dans les mines ou dans les magasins. Zola ne voyait pas son œuvre comme un simple divertissement ou même comme un témoignage.
Il voyait ça comme une vaste expérimentation scientifique et cherchait à prouver l'influence de la génétique sur l'histoire de ses personnages, d'où l'importance de la famille Erugon-Makar. Il souhaitait prouver une forme de déterminisme, un fatalisme, certain que toutes les parts sont héréditaires, y compris les instincts violents, et qu'on ne peut y échapper.
Avec ces quelques éléments, on peut déjà deviner pourquoi la lecture de Zola est difficile à mener. D'abord parce que le naturalisme est un super réalisme dont les longues descriptions peuvent sembler indigestes. Ensuite parce que cette littérature se focalise sur des personnages malheureux voués à Pour trouver plus de relief à ce que je viens d'expliquer, je vous propose la lecture et une très rapide analyse d'un extrait de Germinal publié en 1885.
Le narrateur décrit une mine qui servira de décor à une grande partie du roman. Le voureux, à présent, sortait du rêve. Etienne, qui s'oubliait devant le brasier à chauffer ses pauvres mains saignantes, regardait.
gaudronné du criblage, le défroid du puits, la vaste chambre de la machine d'extraction, la tourelle carrée de la pompe d'épuisement. Cette fosse, tassée au fond d'un creux avec ses constructions trapues de briques, dressant sa cheminée comme une corne menaçante, lui semblait avoir un air mauvais de même goût, accroupi là pour manger le monde.
Tout en l'examinant, il songeait à lui et à son existence de vagabond. Depuis huit jours qu'il cherchait une place, il se revoyait dans son atelier du chemin de fer, giflant son chef, chassé de l'île, chassé de partout. Le samedi, il était arrivé à Marchienne, où on disait qu'il y avait du travail au forge.
Et rien. Ni au forge, ni chez Sonneville. Il avait dû passer le dimanche caché sous les bois d'un chantier de charronnage dont le surveillant venait de l'expulser à deux heures de la nuit. Rien, plus un sou, pas même une croûte. Qu'allait-il faire ainsi par les chemins, sans but, ne sachant seulement où s'arrêter contre la bise ?
Oui. C'était bien une fausse. Les rares lanternes éclairaient le carreau, une porte brusquement ouverte lui avait permis d'entrevoir les foyers des générateurs dans une clarté vive. Il s'expliquait jusqu'à l'échappement de la pompe, cette respiration, grosse et longue, soufflant sans relâche, qui était comme l'haleine engorgée du monstre.
La première chose à noter concernant ce texte, c'est la profusion de vocabulaire technique. La machine d'extraction, la pompe d'épuisement ou le carreau marquent l'authenticité et la précision de cette description. La description du paysage est mêlée avec une introspection du personnage qui est en grande souffrance.
Ses mains saignent à cause du froid, il n'a plus d'argent et le narrateur évoque la scène de violence qui lui a fait perdre son travail. Enfin, et c'est très très récurrent chez Zola, la machine semble vivante et est comparée à un monstre à deux reprises dans ce texte.
C'est par des analogies de ce genre que Zola montre que l'industrie dévore les hommes ou que la machine est un danger. Voilà, j'espère que cette vidéo vous aura permis de...